mercredi 27 février 2013

Pour saluer Stéphane Hessel


"je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous, d'avoir votre motif d'indignation, c'est précieux"

  
Alors tous deux on est repartis
Dans le tourbillon de la vie
On a continué à tourner
Tous les deux enlacés

lundi 25 février 2013

Yersinia pestis

Certains livres sont dangereux. On y entre sans se méfier puis peu à peu chapitre après chapitre ils vous retiennent prisonniers. Au milieu c'est le bonheur, la légèreté mais le venin s'instille sans que l'on n'y prenne garde et d'un coup on approche de la fin, on essaie de ralentir sa lecture de mieux savourer chaque page mais rien n'y fait, le héros vieillit, le terme est là, inéluctable. Le mot fin est sous vos yeux. Refermer le livre est un petit déchirement. Alors on reprend le premier chapitre, on picore quelques phrases au hasard mais la réalité s'impose..........
"Peste et choléra" est un livre de cette nature. En 220 pages découpées en 44 courts chapitres, Patrick Deville nous fait revivre le destin d'un homme incroyable qui a su dix fois dans sa vie changer de domaine et se porter vers de nouveaux horizons.
 "ce n'est pas une vie de ne pas bouger" Ce pourrait être le sous-titre du livre. La phrase est d'Alexandre Yersin entré à la fin du 19e siècle dans la "bande à Pasteur" qui sera le premier à isoler (à Hong Kong) le bacille de la peste puis se fera médecin à bord d'un vapeur et découvrira ainsi son paradis: Nha Trang en Indochine. Il y fera successivement de l'exploration géographique, de l'élevage, de la botanique, y acclimatera l'hévéa et l'arbre à quinquina sans jamais rompre ses liens avec ses amis de l'institut Pasteur.
Au-delà du style (Deville donne une impression de facilité et d'espièglerie constante), l'auteur élargi son champ de vision au monde de 1900, nous croisons d'autres explorateurs, Rimbaud, Stanley et Livingstone, les premières automobiles et les premiers avions. Comme Yersin retranché à Nha Trang nous recevons les échos des deux guerres mondiales. 
P.Deville y ajoute de loin en loin non pas un narrateur commun mais un "fantôme du futur" qui vient remettre de l'ordre dans le récit au moment où l'on risque de s'essouffler à suivre cet insaisissable tintin scientifique qu'est Alexandre Yersin.
En fait c'est une image du bonheur que Deville nous présente et on imagine le romancier qui jubile à sa table en retraçant cette vie d'aventurier, et tout l'enthousiasme sans cesse renouvelé de son héros. C'est sans doute pour cela que son récit nous rend heureux.
Ecoutons une dernière fois Patrick Deville "Comme nous tous Yersin cherche à faire de sa vie une belle et harmonieuse composition......Sauf que lui, il y parvient"
Allez courage! demain il fera jour.


vendredi 22 février 2013

Pour en finir avec le Vendée globe

Vendredi 22 février, 16h, Allessandro Di Benedetto entre dans le chenal après 104 jours de mer, bouclant ainsi la 7e édition du Vendée globe, 26 jours après le premier.
Je ne connais pas d'autre évènement où le dernier saute de joie à l'arrivée dans un déferlement de klaxons, de cris, de trompes en tout genre.
 
Le premier à monter à bord a été Jean-Luc Van Den Heede second de la course en 1993 après être parti avec 5 jours de retard suite à une avarie et détenteur du record du tour du monde à l'envers. Sur le quai c'est Tanguy de Lamotte arrivé 10e et qui a reçu dimanche le même accueil.



                                                               (arrivée de Tanguy de Lamotte)
Tous ces gens à quai ou sur les bateaux qui sont venus l'accueillir ne sont pas à un spectacle gratuit (même si c'est un spectacle rare et qui vaut d'être vécu), il suffit de les entendre, ils sont venus saluer un des derniers aventuriers. C'est le respect que l'on entend dans les vivats!

Au milieu des scandales sportivo-financiers, des concours médicinaux et autres dérèglements propres à la période, des sensations comme celle-là on en redemande, alors rendez-vous en novembre 2016 pour de nouvelles aventures!
Allez courage! demain il fera jour
(photos KH)




jeudi 21 février 2013

on l'appelait le tigre


Le vieil homme arpente le remblai des Sables d'Olonne, un tramway le dépasse dans un bruit de crécelle, quelques élégantes se retournent sur lui, il est vrai que son allure est peu commune même en 1927, appuyé sur sa canne, grosse moustache blanche tombante, très "gauloise", un petit chapeau à deux pointes reposant sur des sourcils broussailleux. Mais là n'est pas la raison des regards. Le vieillard traverse le remblai et remonte la rue Travot puis la redescend sur l'autre face de la dune et s'arrête à mi-pente, caresse la tête du gamin assis sur la marche et pénètre dans la boutique: "Bonjour Monsieur le Président". Georges Clemenceau vient d'entrer chez son coiffeur.
C'est une habitude prise depuis qu'il passe la moitié de l'année à "bel esbat" la petite maison achetée en 1919 pour sa retraite mais la retraite est venue plus tôt que prévue. Le père la victoire a été battu par Paul deschanel à l'élection présidentielle de 1920. Il s'est immédiatement retiré de la vie politique et a retrouvé sa Vendée natale.
 
(maison de St Vincent sur Jard)

Depuis entre deux voyages à l'étranger (états unis, Egypte, Inde) Clemenceau passe les beaux jours à Saint Vincent sur Jard. Il reçoit beaucoup: des politiques, des hommes d'état, des journalistes on lui demande son avis sur tout et il ne se prive pas. Il ne s'est jamais privé. Depuis son élection à la commune de Montmartre en 1871, son intervention dans l'affaire Dreyfus (il trouve le titre du papier de Zola "j'accuse"), sa participation au débat sur la loi de séparation (anticléricalisme oblige!), son passage au ministère de l'intérieur (il crée les fameuses brigades auto-mobiles) jusqu'à sa nomination à la présidence du conseil en pleine crise (les mutineries, le pays au bord du gouffre) où il prononce sa fameuse apostrophe: "politique étrangère? je fais la guerre, politique intérieure? je fais la guerre, politique économique? je fais la guerre.
Toute sa vie Clemenceau contre vents et marées (normal pour un vendéen), en dépit de tous les obstacles affirmera son point de vue en homme libre sans se soucier de son appartenance politique mais avec des principes intangibles faits de compassion pour les faibles, de méfiance envers les foules, de défense de la laïcité et du souci de la place de la France. Tout cela avec un humour et des réparties parfois féroces.
Ajoutons pour finir un grand sens de l'amitié (relisez sa correspondance avec Claude Monet sur le point de tout lâcher pour cause de vue défaillante)
                                                            (bureau de Clemenceau à Bel Esbat)

Pendant les neuf dernières années de sa vie, face à la mer Clemenceau retrouvera la sérénité nécessaire pour se replonger dans sa passion hellénistique (Démosthène) et l'âme humaine en général par l'étude des idées religieuses. Ce sera "au soir de la pensée" pavé philosophique bien loin de la vie publique mais qui nous renseigne sur l'éthique du personnage.
Tout cela n'empêche pas l'humour distancié qui le rend si attachant : parlant de sa mort il demande :" pour mes obsèques je veux le strict minimum c'est à dire moi"

Allez courage! demain il fera jour
(photos KH)
PS: je ne résiste pas au plaisir de vous renvoyer au film d'Henri Verneuil "le président" avec Gabin qui emprunte beaucoup à la fin de vie du tigre

jeudi 14 février 2013

Aurais-je été résistant ou bourreau?

                                     
    En regard de l'introduction du message précédent (putain de guerre), qui ne s'est pas posé cette question dans la génération d'après guerre? Qui ne s'est pas interrogé devant un livre, un film ou une émission de télé (souvenez vous: "les dossiers de l'écran" avec comme générique la musique de "l'armée des ombres" de Melville), sur ce qu'il aurait fait s'il avait vécu entre 40 et 44 en France occupée.

Pierre Bayard, pour tenter de répondre a choisi de se transposer à l'âge et dans les lieux correspondants à ces choix difficiles et à tenter de reconstituer la vie de ce double de lui-même. Il le fait avec une honnêteté intellectuelle qui donne toute sa force à son essai et il ajoute une contrainte qui aurait pu se révéler redoutable: il crée un double qui a le même âge, la même activité (prépa normale sup') et se trouve dans les mêmes lieux que son propre père en 1940.
A partir de ce point de départ Pierre Bayard étudie chacun des choix, chaque carrefour en quelque sorte où il aurait dû décider de son attitude. Il le fait en allant chercher des récits, des témoignages voire des oeuvres qui mettent ces décisions en perspective et surtout les motivations qui les ont sous tendues.
Il convoque successivement l'expérience de Milgram (soumission à l'autorité) et le film de Louis Malle et Patrick Modiano "Lacombe Lucien" (hasard et nécessité?)

Il cite largement le bouquin de Browning "des hommes ordinaires"  qui fait le récit de ces hommes du 101e bataillon de réserve de la police allemande qui ont été progressivement amenés à exterminer 83000 personnes alors même qu'on leur offrait la possibilité de refuser et que les quelques uns qui effectivement refusèrent de participer aux massacres ne furent pas inquiétés.
                             

Les décisions de Daniel Cordier (Alias Caracalla) et de Romain Gary (la promesse de l'aube) qui pour des raisons différentes quittent la France dès le lendemain de la demande d'armistice par Pétain, mais aussi plus tard, les justes du Chambon sur Lignon  permettent à P.Bayard de proposer des explications rationnelles : l'origine familiale, l'éducation, la capacité à s'indigner puis à vaincre la peur des conséquences (très bien abordée dans l'histoire de Hans et Sophie Scholl).............. sans jamais oublier de s'interroger sans complaisance sur l'attitude supposée de son"double"
 
  En 160 pages Bayard a le mérite d'une part (c'est son objet principal) de nous convoquer au tribunal de notre propre conscience mais aussi de nous offrir un florilège de témoignages de toutes sortes sur cette période.
Il ne manque pas de nous rappeler qu'il est facile de juger depuis son fauteuil dans un pays en paix, voire......de façon moins dramatique nous sommes aujourd'hui encore confrontés régulièrement par l'actualité à des choix comportementaux: accepter? refuser?se désintéresser?


Allez courage! demain il fera jour
          

















lundi 11 février 2013

Putain de guerre


Jacques Tardi est né à Valence dans la Drôme en 1946, c'est dire que lui et moi (avec quelques années d'écart) sommes de la même génération. Celle des enfants qui ont, au gré des réunions de famille, entendu les récits de leurs parents qui avaient vécu la guerre de 40, l'occupation, quelques fois la captivité en Allemagne, Nous avons suivi ces discussions interminables de fin de repas que ne manquait pas d'interrompre le grand-père pour faire valoir que "la sienne" (celle de 14) c'était quand même autre chose. Il ne reste hélas que peu de choses de ces récits, nous étions trop jeunes pour en ressentir l'importance. Jacques Tardi lui a de la mémoire et le talent de la transmettre.
Ce n'est qu'en 1978 que j'ai découvert les BD de Tardi. Dans la revue (A suivre), "Ici-même" relate sur un scénario de Forest, la vie d'Arthur Même en conflit avec sa famille qui à force de procès perdus ne possède plus que les murs d'enceinte des propriétés familiales ainsi que leurs portails. Il passe donc sa vie sur ces murs courant d'un portail à l'autre afin de percevoir son dû en échange de l'ouverture du dit-portail.
Séduit par cet univers graphique étrange, je m'enquiers du reste de la production de ce dessinateur et découvre comme beaucoup Adèle Blanc-sec. Un véritable choc! Oui les aventures de cette jeune journaliste émancipée dans le Paris de 1910 sont passionnantes, Oui les personnages sont attachants (ptérodactyle, conservateurs de musées, savants fous, momies...) mais ce qui fit de moi un fan absolu c'est le dessin d'un Paris reconstitué avec une minutie, un réalisme qui projette le lecteur dans l'histoire mieux que n'importe quel film (à ce sujet si vous n'avez pas vu la transposition cinématographique d'Adèle faite en 2010 par Luc Besson vous n'avez rien manqué, lisez ou relisez les albums))
                                                                    
La fin du premier cycle (Tardi prolongea la saga ensuite sous la pression publique) augure de la véritable passion (obsession?) de Jacques Tardi : l'absurdité de la guerre en général, la folie de celle de 14 en particulier. Adèle meurt à la fin de "momies en folie" et la dernière planche montre une forêt de drapeaux et la légende indique "il n'y eut plus d'espoir" nous sommes le 2 août 1914.
Jacques Tardi est le maître de la BD en ce qui concerne la guerre de 14, sa première oeuvre y est déjà consacrée avec "la fleur au fusil" puis le ton se durcit avec "c'était la guerre des tranchées" puis "putain de guerre" On y retrouve tout le réalisme qui anime son oeuvre, le souci du détail et par-dessus tout une condamnation de la guerre par refus de l'horreur.
Entre 2001 et 2004 Tardi porte en BD (comme on dit porte à l'écran) l'oeuvre de Jean Vautrin sur la commune "le cri du peuple" superbe transposition en BD de cette page d'histoire dans laquelle Tardi retrouve Paris* mais cette fois celui de 1870.

Aujourd'hui Jacques Tardi change de génération et nous présente la première partie des mémoires de captivité de son père: "stalag IIB" Il touche dans cette oeuvre à l'intime et nous offre un contact avec la génération qui nous a précédé et que j'évoquais en ouverture de cet article. J'attends la seconde partie avec impatience.
Avec ce dernier opus, Jacques Tardi montre qu'il a encore beaucoup à dire et à montrer en matière d'histoire. Alors Jacques courage! ne lâchez rien

*Tardi illustre également les romans de Léo Malet (Nestor Burma) dont chaque épisode se déroule dans un quartier de Paris, mais il s'agit comme pour les romans de Celine d'une illustration et non d'une BD.


Allez courage! demain il fera jour













jeudi 7 février 2013

Le retour du Roi


Encore le Vendée Globe? oui encore mais rassurez vous ça se termine..............
Et il ne m'était pas possible d'occulter le retour du Roi Jean
Jean Le Cam est arrivé hier aux sables et n'en pas parler serait comme renoncer à saluer une légende.
Je pèse mes mots Jean Le Cam a fait toutes les courses en mono et multicoques en solitaire ou avec équipage depuis sa formation aux Glénans jusqu'à ses trois Vendée Globe d'où son surnom.                


Il ne reste plus beaucoup d'aventures humaines aujourd'hui et encore moins d'aventures collectives et partagées aussi largement. Ce qui fait qu'autant de personnes suivent et se passionnent pour le VG c'est que cette course permet, de la préparation jusqu'à après l'arrivée de suivre les navigateurs. Avant la course sur les pontons au plus près des bateaux et des skippers (qui a accès aux paddocks de formule 1?) pendant la course grâce aux divers moyens techniques (y compris la possibilité de faire sa propre course virtuelle) et après la course (entrée dans le port et conférence immédiate à l'arrivée)
L'aventure individuelle existe encore, Sylvain Tesson investit pendant six mois une cabane de pêcheur au bord du lac Baïkal avec des livres des cigares et de la vodka, c'est une expérience érémitique unique mais ce n'est qu'à son retour qu'il peut nous faire partager son aventure en publiant son journal de bord (si vous ne l'avez pas lu, ne ratez pas "Dans les forêts de Sibérie" Gallimard 2011)

J'ai beau chercher, l'aventure de masse même par procuration se fait rare mais revenons à Jean.

Il commence sa carrière comme équipier d'Eric Tabarly, ah! là je dois faire une pause. Vous voulez de l'aventure? en voilà............
Nous somme en 1964 j'ai onze ans et je me souviens de tout comme si j'avais été sur le quai de Newport pour l'arrivée de la 2e transat anglaise. 28 jours qu'ils sont partis, la brume occulte toute la baie et tout le monde attend Francis Chichester le vainqueur de la première édition, un héros anobli par la reine, un voilier de 13m60 sort de la brume, les jumelles se braquent sur lui, c'est Tabarly sur son Pen-duick II, disparu de tous les radars depuis le départ, la même phrase court les quais "ce n'est pas possible" : it's impossible!
Un inconnu entre d'un coup dans la légende!
Comment?? j'ai un peu forcé le trait? il n'y avait pas de brume? je laisse la parole à John Ford (encore une légende) "Dans l'ouest, quand la légende est plus belle que la réalité, on imprime la légende" (l'homme qui tua
Liberty Valance)

 


Jean Le Cam a gagné 3 figaro, détenu plusieurs records, gagné plusieurs transats, fini 2e du VG 2005, chaviré au cap Horn en 2009, et à 54 ans il termine 5e de son troisième Vendée Globe qui a vu tomber tous les records.
Le Roi Jean mérite tous les hommages! chapeau Monsieur Le Cam
 
(Jean et sa marraine Jacqueline Tabarly)
(conférence de presse)
 
(la danse de la victoire)
Allez courage! demain il fera jour
(photos KH)







lundi 4 février 2013

2600 milles la peur au ventre

Jean-Pierre Dick est arrivé cet après midi aux Sables d'Olonne. A 47 ans, c'est son troisième Vendée globe et sa meilleure place (4e) après une sixième place en 2004-2005 et un abandon en 2008 suite à la rupture de son safran
  
 Longtemps dans le peloton de tête, il a cédé un peu de terrain dans le sud mais tenait bon la 3e place jusqu'à la perte de sa quille entre le cap vert et les açores, le podium est dès lors perdu mais commence alors une aventure comme le Vendée globe en produit à chaque édition.
Visiblement fatigué JP Dick explique les doutes, les dilemmes qui se posent au marin pour tenir un pareil bateau sans quille, ballasté, à la merci des sautes de vents. On comprend en l'entendant qu'il a beaucoup hésité à se lancer dans ce quitte ou double et qu'il est d'autant plus heureux et soulagé d'en avoir terminé.

JP a réussi un exploit sans précédent : ramener le bateau aux Sables sur 2644 milles
Les Sables d'Olonne ont réservé un accueil à la mesure de ce marin d'exception, une nouvelle légende est
née.
  
               


Allez courage! demain il fera jour
(photos KH)