Le festival « cordes sensibles », peu de gens
connaissent, je ne l’ai découvert qu’en janvier dernier. Je suis sur le net les
pérégrinations des cinq ou six plus grands guitaristes mondiaux, et donc en
janvier j’apprends que la star de la guitare classique, celle que l’on a
surnommée lorsqu’elle avait 12 ans le prodige croate : Ana Vidovic donnera
un concert en soliste au festival « cordes sensibles » le 28 mars à
Saint-Médard-en-Jalles dans la banlieue bordelaise. Bordeaux n’est pas à
proprement parler sur la route des Sables d’Olonne mais Ana Vidovic qui tourne dans le monde entier et ne vient
quasiment jamais en France, mérite ce détour.
Le festival « cordes sensibles » est en effet
relativement confidentiel, peu d’annonces, pas d’affiches avant la médiathèque
où se déroule la manifestation, une ambiance bon enfant dans une petite ville
de province, encadrée par des bénévoles décontractés qui pourtant ont su
négocier la venue d’une vedette internationale (Ana arrive d’Afrique et repart
le lendemain pour l’Amérique du sud) et d’une vedette nationale montante qui
relance en France le Jazz manouche (Thomas Dutronc assure le concert du 2e
jour).
J’arrive une heure en avance pour être bien placé (je ne
connais pas la salle ni son acoustique), personne ou presque, la seule
animation regroupe dans un local annexe quelques luthiers et leurs œuvres). Je
choisis une place au cinquième rang face à la scène. A 20h30 la salle est
pleine. On reste dans l’ambiance décrite, le président de l’association
remercie quelques sponsors, salue les invités des premiers rangs, bénévoles et
notables et annonce la première partie
Et là tout bascule….Samuel Rouesnel jeune guitariste de
Flamenco tout juste auréolé d’un prix décerné en 2013 par un magazine de
guitare nous présente des morceaux de sa composition accompagné par un
percussionniste très…..ibérique (c’est un compliment)
Je ne suis pas spécialiste, mais je crois que Paco de Lucia
(à qui je rendais hommage il y a quelques semaines) n’aurait pas renié ce
garçon. Celui que l’on surnomme déjà (Espagne oblige) Samuelito est
manifestement influencé par le Maître mais dans le bon sens du terme, sa
musique a d’ors et déjà sa personnalité. Moment d’émotion, il interrompt le fil
de ses compositions pour un hommage à Paco en interprétant une de ses œuvres.
Bref vous allez entendre parler de Samuelito.
Et très vite ELLE est sur la scène, elle accorde, lis un
papier avec quelques mots de français, présente son concert en anglais et se
« chauffe » (comme souvent) avec les variations sur un thème de Sor.
Tout de suite c’est la magie, c’est la première fois que j’entends un artiste
de ce niveau et la première fois que j’entends une guitare comme celle là,
jamais entendu des basses aussi profondes, des aigus aussi purs et l’acoustique
(excellente au demeurant) ne fait pas tout (j’en aurai la preuve le lendemain
mais n’anticipons pas).
Après ce premier morceau ce sera un déferlement de
« tubes », depuis Grenada, en passant par Asturias, Catédral et en
final le Recuerdos de la
Alhambra , pendant une heure Ana nous subjugue par une
maîtrise une sensibilité une expression indescriptible (désolé je n’ai pas le
son sur ce blog). Le charme agit totalement sur une salle où pas un bruit, pas
un toussotement ne vient ternir la musique. Ana en fera la remarque à la fin du
concert en remerciant pour l’attention portée à son travail.
Et comme je ne serais pas le scarabée sans une petite
citation j’ajoute que lorsque le charme de l’artiste se conjugue avec la
virtuosité de l’interprète « faut plus comprendre, faut prier »
Voilà ! Je pourrai m’arrêter là sur ce récit d’une
belle soirée de concert mais ce qui motive cet article c’est ce qui suit. Le
lendemain samedi doit se dérouler un « petit déjeuner musical », en
fait une présentation de leur travail par les élèves du conservatoire. La
prestation se déroule dans une petite salle annexe. Je ne connais pas les
lieux, j’arrive donc une nouvelle fois avant l’heure et je prends l’une des
rampes de l’escalier double qui conduit à la salle. A mi hauteur surgissant de
l’autre rampe, naturellement et comme n’importe quelle élève du conservatoire,
Ana, sa guitare à la main se rend à l’audition, nous nous saluons (ce
sourire !) et je la suis dans le petit auditorium (bien sur que j’ai
triché, je l’ai vu de loin et sciemment pris l’escalier opposé).
La guitare est un monde étonnant, voilà une artiste de
renommée internationale qui se produit dans les salles les plus prestigieuses
qui, au lendemain d’un concert et avant de s’envoler pour le bout du monde,
vient une heure durant avec simplicité et modestie, écouter et applaudir de
jeunes élèves (du débutant au confirmé), et qui pour ses mêmes élèves et une
poignée d’aficionados va prendre sa guitare et nous interpréter sans fioritures
cette pièce magique qui me rend fou comme apprenti : l’Asturias d’Albéniz.
Je suis à trois mètres, je peux détailler chaque doigté, chaque
trémolo, c’est magique !
J’ai rencontré une
étoile et vous voulez que je vous dise ? Après ça on peut mourir.
Allez courage ! Moi je retourne à mes gammes
(photos kheper)