lundi 31 mars 2014

J'ai rencontré une étoile


Le festival « cordes sensibles », peu de gens connaissent, je ne l’ai découvert qu’en janvier dernier. Je suis sur le net les pérégrinations des cinq ou six plus grands guitaristes mondiaux, et donc en janvier j’apprends que la star de la guitare classique, celle que l’on a surnommée lorsqu’elle avait 12 ans le prodige croate : Ana Vidovic donnera un concert en soliste au festival « cordes sensibles » le 28 mars à Saint-Médard-en-Jalles dans la banlieue bordelaise. Bordeaux n’est pas à proprement parler sur la route des Sables d’Olonne mais Ana Vidovic  qui tourne dans le monde entier et ne vient quasiment jamais en France, mérite ce détour.

Le festival « cordes sensibles » est en effet relativement confidentiel, peu d’annonces, pas d’affiches avant la médiathèque où se déroule la manifestation, une ambiance bon enfant dans une petite ville de province, encadrée par des bénévoles décontractés qui pourtant ont su négocier la venue d’une vedette internationale (Ana arrive d’Afrique et repart le lendemain pour l’Amérique du sud) et d’une vedette nationale montante qui relance en France le Jazz manouche (Thomas Dutronc assure le concert du 2e jour).

J’arrive une heure en avance pour être bien placé (je ne connais pas la salle ni son acoustique), personne ou presque, la seule animation regroupe dans un local annexe quelques luthiers et leurs œuvres). Je choisis une place au cinquième rang face à la scène. A 20h30 la salle est pleine. On reste dans l’ambiance décrite, le président de l’association remercie quelques sponsors, salue les invités des premiers rangs, bénévoles et notables et annonce la première partie

Et là tout bascule….Samuel Rouesnel jeune guitariste de Flamenco tout juste auréolé d’un prix décerné en 2013 par un magazine de guitare nous présente des morceaux de sa composition accompagné par un percussionniste très…..ibérique (c’est un compliment)

Je ne suis pas spécialiste, mais je crois que Paco de Lucia (à qui je rendais hommage il y a quelques semaines) n’aurait pas renié ce garçon. Celui que l’on surnomme déjà (Espagne oblige) Samuelito est manifestement influencé par le Maître mais dans le bon sens du terme, sa musique a d’ors et déjà sa personnalité. Moment d’émotion, il interrompt le fil de ses compositions pour un hommage à Paco en interprétant une de ses œuvres. Bref vous allez entendre parler de Samuelito.
 
 
 
 
 
 
 
 

Et très vite ELLE est sur la scène, elle accorde, lis un papier avec quelques mots de français, présente son concert en anglais et se « chauffe » (comme souvent) avec les variations sur un thème de Sor.
 
 
                                
 
 
 
Tout de suite c’est la magie, c’est la première fois que j’entends un artiste de ce niveau et la première fois que j’entends une guitare comme celle là, jamais entendu des basses aussi profondes, des aigus aussi purs et l’acoustique (excellente au demeurant) ne fait pas tout (j’en aurai la preuve le lendemain mais n’anticipons pas).

Après ce premier morceau ce sera un déferlement de « tubes », depuis Grenada, en passant par Asturias, Catédral et en final le Recuerdos de la Alhambra, pendant une heure Ana nous subjugue par une maîtrise une sensibilité une expression indescriptible (désolé je n’ai pas le son sur ce blog). Le charme agit totalement sur une salle où pas un bruit, pas un toussotement ne vient ternir la musique. Ana en fera la remarque à la fin du concert en remerciant pour l’attention portée à son travail.
 
                                  
Et comme je ne serais pas le scarabée sans une petite citation j’ajoute que lorsque le charme de l’artiste se conjugue avec la virtuosité de l’interprète « faut plus comprendre, faut prier »

 

Voilà ! Je pourrai m’arrêter là sur ce récit d’une belle soirée de concert mais ce qui motive cet article c’est ce qui suit. Le lendemain samedi doit se dérouler un « petit déjeuner musical », en fait une présentation de leur travail par les élèves du conservatoire. La prestation se déroule dans une petite salle annexe. Je ne connais pas les lieux, j’arrive donc une nouvelle fois avant l’heure et je prends l’une des rampes de l’escalier double qui conduit à la salle. A mi hauteur surgissant de l’autre rampe, naturellement et comme n’importe quelle élève du conservatoire, Ana, sa guitare à la main se rend à l’audition, nous nous saluons (ce sourire !) et je la suis dans le petit auditorium (bien sur que j’ai triché, je l’ai vu de loin et sciemment pris l’escalier opposé).

La guitare est un monde étonnant, voilà une artiste de renommée internationale qui se produit dans les salles les plus prestigieuses qui, au lendemain d’un concert et avant de s’envoler pour le bout du monde, vient une heure durant avec simplicité et modestie, écouter et applaudir de jeunes élèves (du débutant au confirmé), et qui pour ses mêmes élèves et une poignée d’aficionados va prendre sa guitare et nous interpréter sans fioritures cette pièce magique qui me rend fou comme apprenti : l’Asturias d’Albéniz.

Je suis à trois mètres, je peux détailler chaque doigté, chaque trémolo, c’est magique !


                                          
 

 J’ai rencontré une étoile et vous voulez que je vous dise ? Après ça on peut mourir.

 

Allez courage ! Moi je retourne à mes gammes

(photos kheper)