vendredi 28 février 2014

Quand le génie devient légende

Trois jours de deuil et les drapeaux en berne à Algésiras pour saluer la sortie du plus grand guitariste de flamenco contemporain.
Vous avez peut être entendu prononcer le nom de Paco de Lucia pour la première fois il y a 2 jours et pourtant...
Pourtant il se fait connaître dès l'âge de 12 ans en remportant le concours international de Flamenco de Jerez, à 15 ans il est à Madrid et gagne sa vie avec sa guitare,  à 16 ans il est à New-York et à 18 il enregistre son premier disque.

Il touche sa première guitare dès l'âge de 4 ans, la légende est en marche, on dit que le père de Beethoven l'enchainait à son piano, la famille (oui tout le monde s'y met) de Paco le fait travailler 10 à 12 heures par jour et il ne lâchera plus sa guitare jusqu'à ce 26 février 2014.

Vous avez dit flamenco? bien sur Paco s'est d'abord fait connaître par sa manière unique de revisiter cette musique si particulière mais c'était d'abord et peut-être surtout un génie de la guitare tout court. Ecoutez le interpréter le concerto d'Aranjuez ou les pièces d'Albéniz et de Falla, et visionnez les concerts qu'il donna avec deux génies de la guitare jazz Al di Meola et John McLaughlin (friday night in San Francisco)


Les légendes n'ont pas de limite, Woody Allen dont les bandes son depuis toujours rendent hommage aux classiques du jazz traditionnel à choisi "entre dos aguas" pour son film Vicky Cristina Barcelona.

Allez courage! je vous laisse, je vais écouter Paco

dimanche 9 février 2014

Un coeur aventureux

Ce qu'est le cœur de Simon Limbres, ce cœur humain, depuis que sa cadence s'est accélérée à l'instant de sa naissance quand d'autres cœurs au-dehors accéléraient de même, saluant l'évènement, ce qu'est ce cœur, ce qui l'a fait bondir, vomir, grossir, valser léger comme une plume ou peser comme une pierre, ce qui l'a étourdi, ce qui l'a fait fondre _ l'amour; ce qu'est le cœur de Simon Limbres, ce qu'il a filtré, enregistré, archivé, boite noire d'un corps de vingt ans, personne ne le sait au juste, seule une image en mouvement créée par ultrason pourrait en renvoyer l'écho, en faire voir la joie qui dilate et la tristesse qui resserre, seul le tracé papier d'un électrocardiogramme déroulé depuis le commencement pourrait en signer la forme, en décrire la dépense et l'effort, l'émotion qui précipite, l'énergie prodiguée pour se comprimer près de cent mille fois par jour et faire circuler chaque minute jusqu'à cinq litres de sang, oui, seule cette ligne là pourrait en donner un récit, en profiler la vie, vie de flux et de reflux, vie de vannes et de clapets, vie de pulsations, quand le cœur de Simon Limbres, ce cœur humain, lui, échappe aux machines, nul ne saurait prétendre le connaître, et cette nuit-là, nuit sans étoiles, alors qu'il gelait à pierre fendre sur l'estuaire et le pays de Caux, alors qu'une houle sans reflets roulait le long des falaises, alors que le plateau continental reculait, dévoilant ses rayures géologiques, il faisait entendre le rythme régulier d'un organe qui se repose, d'un muscle qui lentement se recharge _ un pouls probablement inférieur à cinquante battements par minute _ quand l'alarme d'un portable s'est déclenchée au pied d'un lit étroit, l'écho d'un sonar inscrivant en bâtonnets luminescents sue l'écran tactile les chiffres 05:50, et quand soudain tout s'est emballé.
Ainsi se présente la première phrase qui sert aussi de prologue au dernier livre de Maylis de Kérangal : "réparer les vivants"

 

Maylis de Kérangal aime les mots, aime juxtaposer les mots à la manière d'un horloger remontant les minuscules rouages d'une montre. Chacun semble avoir été pesé, soupesé, mis sous la lampe et enfin choisi pour servir la phrase et même si cela semble incongru à l'heure des textos phonétiques c'est ce que l'on appelle un style et c'est ce qu'on appelle un écrivain.

Ensuite et c'est aussi important pour nous, lecteurs il y a la forme du propos, ce cœur qui nous est présenté, nous prenons le train(1) avec lui, et chaque gare du parcours verra monter des voyageurs qui participent à cette histoire et pour chacun nous serons embarqués dans son monde, immergés dans ce qui fait sa vie (surfeur, parents, urgentiste, interne, psychologue etc), puis à l'instar de tout voyage nous verrons descendre et s'éloigner ces personnages. Le seul acteur que l'on ne perd jamais de vue c'est ce cœur présent dans le prologue.



Enfin il y a les tripes de l'écrivain qui fait que nous baignons constamment, y compris en plein drame dans une empathie totale, qui évite les pièges du pathos comme ceux de la technique chirurgicale qui pourraient nous faire vite décrocher.

Au contraire on s'accroche sans effort jusqu'à la dernière ligne et là, vous voulez que je vous dise : il s'est passé quelque chose en nous, et je crois que la cause en est simple: Maylis de Kérangal aime les mots.... c'est ce qu'on appelle un écrivain.


(1) voir er relire Tangente vers l'est qui a fait l'objet d'un article ici (21/11/2012)

Allez courage! demain il fera jour
(photos kheper  "surfeurs aux Sables d'Olonne")